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L’illusion de la flèche du temps

18 Juillet 2017 , Rédigé par Jechaiaou Perlenrel Publié dans #Sciences, #Réflexion

L’illusion de la flèche du temps

L’illusion de la flèche du temps

 

L’écoulement permanent du temps, qui a tant inspiré poètes et philosophes est-il une fatalité ? Et d’abord le temps s’écoule-t-il toujours dans la même direction ? Peut-on toujours reconnaitre le début et la fin d’un évènement ou serait-il possible de les inverser ? Est-il envisageable qu’un œuf cassé se reconstitute spontanément ?

Nous appellerons « paradoxe de la flèche du temps » le problème de la réversibilité des lois de la physique. L’expression flèche du temps a été inventé par le physicien anglais Arthur Eddington pour traduire l’expérience quotidienne que nous avons de l’écoulement du temps. Le temps en effet nous semble s’écouler inexorablement, créant la sensation que nous nous trouvons dans un présent fugitif, point de rupture entre un passé révolu et un futur incertain encore à venir.

La Physique est la science de la matière, à l’échelle humaine mais aussi à l’échelle de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, elle s’intéresse à la matière en tant que telle, mais surtout à son évolution dans le temps et dans l’espace.

Les lois microscopiques et les lois macroscopiques

On pourrait classer en fait les lois de la physique en deux catégories.

Celles qui sont fondamentales, en ce sens qu’elles rendent compte des comportements de base de la matière, et devraient théoriquement TOUT expliquer,  on les qualifie de lois microscopiques, car elles concernent essentiellement les briques élémentaires de la matière, atomes et particules élémentaires a partir desquels tout l’univers est construit.

Et puis il y a les lois moins fondamentales, mais souvent plus directement accessibles, qui résument un comportement plus global de la matière. On qualifie ces dernières lois de macroscopiques car elles décrivent des évènements qui se situent proche de l’échelle humaine.

En théorie les lois macroscopiques devraient découler des lois microscopiques, puisque un comportement global n’est jamais que la somme d’un  grand nombre d’évènement élémentaires.

Dans la pratique il n’en est rien, déjà Lucrèce (partisan de la théorie atomiste) disait que ce n’est pas parce que nous sourions qu’il y a des atomes de sourire ! L’agrégation des comportements élémentaires se révèle beaucoup trop compliquée pour que l’on doute que même les ordinateurs les plus puissants puissent un jour la mener à bien.  C’est pourquoi les lois macroscopiques et microscopiques ont été établies séparément.

 

la réversibilité

la réversibilité

Les lois microscopiques sont réversibles

L'idée floue de flèche du temps laisse alors place au concept scientifique d'irréversibilité.

Si changer le sens du temps est impossible dans la réalité, « renverser le temps » présente en physique une signification précise : c'est une opération mathématique qui consiste à changer le signe de la variable temps (t › –t) dans les équations qui régissent l'évolution du processus considéré.

Si ces équations restent inchangées, le processus considéré est réversible, car rien n'interdit en principe au processus inverse, où temps final et initial sont échangés, de se produire.

Par exemple, le mouvement des planètes et des satellites, ou l'oscillation d'un pendule sans frottement sont réversibles ; leurs lois ne changent pas dans un échange (virtuel) entre passé et avenir.

Mais surtout à l’échelle atomique, l’une des propriétés des équations qui régissent le comportement des particules élémentaires est l'invariance par renversement du temps. La physique et la chimie à l'échelle atomique sont donc réversibles : rien n'y serait changé si l'on échangeait passé et futur. Autrement dit, si l’on filme un évènement microscopique, et que l’on passe le film à l’envers, en inversant le sens chronologique, aucun spectateur ne pourra s’en rendre compte, même si c’est un grand physicien.

Alors d’où vient l’irréversibilité du monde ?

C’est le paradoxe de la flèche du temps

A notre échelle, l’expérience de l’irréversibilité des phénomènes, encore appelée « flèche du temps », est quotidienne. On sait que l’on peut briser un pain mais pas le recoller. On peut mélanger deux gaz mais pas les séparer. On peut vieillir mais on ne peut pas rajeunir….

Pour répondre à cette question il faut se tourner principalement vers  la thermodynamique, la science de l’énergie.

La flèche du temps thermodynamique est le sens donné au temps par la loi de l'entropie. Cette dernière dispose que le niveau d'entropie d'un système fermé doit nécessairement toujours augmenter.

Par conséquent, il suffit de mesurer le niveau d'entropie d'un système fermé à deux instants différents pour savoir lequel précède l'autre. Si cette mesure est répétée à chaque instant, il apparait une suite infinie d'états orienté dans une seule direction, c'est ce qui créé le sens du temps.

 

Ludwig Boltzmann

Ludwig Boltzmann

Ludwig Boltzmann a tenté d'expliquer comment des phénomènes réversibles par rapport au temps à l'échelle microscopique peuvent conduire à une flèche du temps évidente à l'échelle macroscopique.

Pour cela, il a développé la physique statistique, où les probabilités jouent un rôle très important.

L’entropie rend compte statistiquement du nombre de configurations microscopiques pouvant réaliser un état macroscopique donné.

Essayez de répartir 10 boules dans deux boites, et comptez de combien de façons différentes vous pouvez procéder selon que vous voulez réaliser un système ordonné : toutes les boules dans une seule boite, (une seule façon de faire) ou un système désordonné aléatoire  par exemple 6 boules dans une boite et 4 boules dans l’autre (le calcul montre qu’il y a alors 360 façons de faire). Et n'oubliez pas que dans un seul millilitre de gaz il y a des milliards de milliards de milliards de molécules !

 

L’illusion de la flèche du temps

Vous comprendrez que plus l’entropie du système est élevée, moins ses éléments sont ordonnés et plus il est probable d’obtenir cet état. Les systèmes fermés n’évoluant qu’en augmentant leur entropie, plus un événement est improbable, plus il peut être relié à un passé ordonné. Inversement, plus il est probable, plus il peut être relié à un futur désordonné.

En fait donc l’irréversibilité n’est qu’une réalité statistique propre aux systèmes contenant un grand nombre de particules.

Si tout le monde sait que lorsque je lâche un verre, il tombe et se brise en mille morceaux, le scenario inverse des mille morceaux qui reconstituent un verre lui-même remontant jusque dans ma main n’est pas impossible, mais on ne le constate jamais dans la réalité car il est hautement improbable !

Selon l’interprétation de Boltzmann, la « réalité réelle » est réversible, et l’irréversibilité n’est qu’une illusion statistique. Ainsi le moyen physique que nous avions trouvé pour distinguer le véritable écoulement du temps de son inverse, à savoir l’accroissement de l’entropie, n’est qu’une constatation de ce qui a le plus de chance de se produire.

Il faut en conclure qu’en général pour les physiciens, la réalité quotidienne est plus illusoire que la réalité réelle microscopique.

Nous aurons probablement d’autres occasions de revenir sur ce point.

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